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Biodiversity Theory
 
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Enrichissement et appauvrissement de la diversité

La biogéographie insulaire | La mesure de la diversité | L'enrichissement de la diversité | L'appauvrissement de la diversité

Au niveau planétaire, les processus naturels induisent spontanément une accentuation de la diversité au fil du temps, et ce, même si les extinctions massives peuvent la faire temporairement régresser. La plus célèbre de ces extinctions massives est bien sûr celle qui a rayé les dinosaures de la surface du globe. N'oublions pas pour autant que nous nous trouvons actuellement au plein cœur d'une autre extinction massive causée, celle-là, par l'homme. Au plan local, par contre, la diversité augmente et décroît constamment à brève échéance. Plusieurs facteurs influent sur la diversité. Nous rappelons ci-dessous les circonstances naturelles les plus déterminantes. En ce qui concerne les impacts exercés par l'homme sur la diversité, jusqu'à présent, ils se sont presque tous révélés négatifs. (Pour en savoir plus à ce sujet, voir la section sur la conservation.)

 

La biogéographie insulaire

La théorie de la biogéographie insulaire a été l'une des premières théories majeures de la biodiversité. Énoncée par R. MacArthur et E. O. Wilson, elle s'applique aux schèmes de la diversité que l'on observe sur les îles. Elle stipule que les milieux insulaires sont à l'origine vides d'espèces et que celles-ci y arrivent peu à peu en provenance de régions vastes (désignées sous le terme de « continents », bien qu'il ne s'agisse pas forcément de continents à proprement parler) ou d'îles voisines.

La biogéographie insulaireLa probabilité qu'une espèce atterrisse sur une île est fonction essentiellement de la distance entre cette île et le continent. Plus cette distance est grande, moins les espèces étrangères ont de chances de « découvrir » l'île et de s'y implanter. Par ailleurs, les espèces établies sur de petites îles constituent des populations restreintes, ce qui les rend plus susceptibles d'extinction. Sur une île donnée, le nombre des espèces présentes dépend de la fréquence à laquelle les nouvelles espèces arrivent et de la fréquence à laquelle les anciennes disparaissent.

Cette théorie est neutre en ceci qu'elle considère toutes les espèces comme égales. En réalité, certaines espèces sont mieux outillées que d'autres pour conquérir de nouveaux territoires, donc elles sont plus susceptibles de coloniser les milieux insulaires. Les recherches sur le terrain montrent cependant que l'agencement des espèces effectivement présentes sur les îles semble s'être défini de manière passablement aléatoire, et la théorie prédit avec une exactitude raisonnable le nombre d'espèces présentes. Ce que cette approche désigne sous le vocable d'« île » n'est pas nécessairement une île au sens propre du terme. Les lacs peuvent être assimilés à des milieux insulaires, de même que des fragments d'habitat isolés. La théorie de la biogéographie insulaire a d'ailleurs été étendue aux péninsules, aux baies et à d'autres régions qui ne sont isolées que partiellement.

 

La mesure de la diversité

Pour détecter les changements qui touchent la biodiversité, il faut pouvoir la mesurer. À première vue, la diversité biologique semble être une notion évidente, facile à appréhender. Quand on y regarde de plus près, toutefois, on constate qu'il n'est pas si aisé de la quantifier. Tenter de l'exprimer par un chiffre unique serait chose vaine : une seule grandeur ne peut pas rendre compte de toutes ses composantes. Dans les faits, on dispose essentiellement de trois méthodes pour mesurer la diversité.

Les indicateurs chiffrés:
Species1 Species1 Species 3
Species1 Species 2 Species 4
 
région 1
 
     

On peut mesurer le nombre des espèces présentes dans une région, ou le nombre d'allèles (voir ci-dessus) qu'une espèce possède pour un même locus (un même emplacement) ou encore, le nombre des groupes fonctionnels (voir ci-dessous) ou des groupes taxonomiques d'un rang supérieur à celui de l'espèce qui sont présents dans l'écosystème. Considérée généralement comme valable, quoique incomplète, cette méthode quantitative permet de mesurer la diversité au nombre des espèces par unité de superficie ou pour l'ensemble des individus identifiés. Les doutes qu'elle suscite concernent essentiellement la difficulté de ramener sur un même plan des mesures prises à différentes échelles.

L'équitabilité:

Species1 Species 2 Species 3
Species1 Species 2 Species 3
 
région 2
 
     

Si presque tous les individus d'une région appartiennent à une même espèce, la diversité est a priori faible, et ce, même si la région compte par ailleurs un nombre élevé d'espèces. L'équitabilité désigne l'égalité plus ou moins grande de la répartition des individus entre les différentes espèces (si l'on se place au niveau spécifique). Les grandeurs les plus utilisées dans ce domaine sont donc le nombre des espèces mais surtout, leur homogénéité numérique. Cependant, les experts ne s'entendent pas sur la méthode à adopter pour exprimer ces deux grandeurs au moyen d'un seul chiffre (pour en savoir plus sur les indices et sur la controverse entourant cette méthode, voir Magurran, 1988, et Smith & Wilson, 1996). Nombreux sont donc les indices d'abondance qui sont utilisés dans le domaine, mais certains (ceux de Shannon et de Simpson, par exemple) sont quand même beaucoup plus couramment employés que les autres.

L'hétérogénéité:

Species1 Species1 Species1
Species1 Species1 Species 4
 
région 3
 
     

Les régions qui abritent de nombreuses espèces sont réputées receler une grande diversité. Mais est-ce vraiment le cas si toutes ces espèces sont apparentées ou très proches les unes des autres? Si une autre région regroupe moins d'espèces mais que celles-ci sont plus disparates, son degré de biodiversité est-il plus ou moins élevé que celui d'une région plus homogène? La mesure de l'écart qui sépare les différentes unités du point de vue de l'évolution est cruciale en ceci qu'elle se place sur un autre plan que le simple comptage des espèces, par exemple, lequel ne permet pas de définir le degré d'hétérogénéité entre les espèces présentes. Les mesures d'écarts portent par exemple sur la disparité et sur la diversité des caractères.

On voit à droite la représentation de trois régions. Chacune d'elles est la plus diversifiée des trois, selon le point de vue auquel on se place. La région du haut (région 1) est celle qui possède le plus grand nombre d'espèces (quatre), mais la moitié des individus de l'échantillon appartiennent à la même. La région du milieu (région 2) est celle qui abrite le moins d'espèces (seulement trois), mais c'est aussi celle qui présente la plus grande équitabilité, puisque les trois espèces sont également représentées. La région du bas (région 3) possède encore moins d'espèces (seulement deux), mais elles sont plus éloignées l'une de l'autre que celles des régions précédentes. Alors que les deux autres hébergent uniquement des insectes, celle-ci regroupe des insectes et un mammifère, une espèce très différente des insectes.

 

L'enrichissement de la diversité

Les mutations
Les mutations modifient le matériel génétique (presque toujours l'ADN) des organismes, renforçant ainsi la diversité génétique. Quand une mutation se produit dans un organisme, celui-ci la lègue à ses descendants, and in time may either disappear if the line. Le résultat est variable selon la mutation considérée. Dans certains cas, l'impact est nul; dans d'autres, il débouche sur la création d'une toute nouvelle espèce. Ce processus de différenciation des organismes est extrêmement lent comparé aux autres modes d'accroissement de la diversité locale. À terme, cependant, les mutations constituent la seule véritable source de nouveauté du point de vue de la diversité.

La spéciation
La spéciation est la création d'une nouvelle espèce. L'espèce se définit généralement comme une famille d'organismes capables de se reproduire entre eux mais incapables de se reproduire avec des représentants d'autres espèces. (C'est ce que l'on appelle la notion d'espèce biologique.) Cette définition, toutefois, n'est pas la seule qui existe. Les experts utilisent aussi d'autres critères pour circonscrire la notion d'espèce. Quand une nouvelle espèce voit le jour, c'est bien évidemment sur la diversité spécifique qu'elle exerce l'impact le plus fort à court terme. Les impacts sur la diversité génétique et écosystémique sont plus modestes dans l'immédiat, mais ils tendent à s'accentuer avec le temps. Plusieurs facteurs peuvent provoquer une spéciation, notamment l'isolement géographique, la concurrence et la polyploïdisation, que nous décrivons ci-dessous.

L'isolement géographique -- L'isolement géographique se produit par exemple quand une nouvelle chaîne montagneuse émerge ou quand le niveau d'un lac baisse au point que celui-ci se scinde en deux plans d'eau distincts. Cet événement peut séparer une population en deux groupes, chacun d'eux continuant d'évoluer indépendamment de l'autre. À terme, par le jeu de l'adaptation à des conditions de vie différentes ou par mutations aléatoires, ces deux groupes peuvent diverger à un point tel que leurs représentants respectifs ne peuvent plus se reproduire entre eux et qu'ils doivent alors être considérés comme formant deux espèces distinctes.

La compétition -- Quand une nouvelle ressource, par exemple alimentaire, s'offre à une population, une partie de celle-ci peut développer une spécialisation qui la rendra la plus apte à se procurer la ressource convoitée. En effet, il vaut parfois mieux se spécialiser dans la conquête de l'une des deux ressources (la nouvelle ou l'ancienne) plutôt que de tenter de s'approprier les deux de front. Dans ce cas, les individus spécialisés ont avantage à s'accoupler avec d'autres « experts » de la même ressource qu'avec des non spécialistes, sinon leurs descendants risquent de s'avérer aussi inefficaces face à la nouvelle ressource qu'à l'ancienne, ce qui représenterait évidemment un handicap pour eux. À terme, la population peut finir par se scinder en deux espèces spécialisées, l'une par rapport à l'ancienne ressource et l'autre, par rapport à la nouvelle. Ce phénomène est possible en théorie, quoique probablement assez rare dans la pratique.

La polyploïdisation -- Les animaux étant beaucoup plus sensibles que les plantes aux modifications majeures de leur structure génétique, la spéciation par polyploïdisation est bien plus courante dans le règne végétal que dans le règne animal. La plupart des espèces sont diploïdes : leurs représentants possèdent deux jeux complets de chromosomes (de grands agrégats d'ADN), un qui leur vient de leur mère et l'autre, de leur père. Toutefois, certains individus d'espèces normalement diploïdes peuvent s'avérer polyploïdes, c'est-à-dire posséder, du fait d'une anomalie cellulaire, plus de deux exemplaires de leurs chromosomes. Cette polyploïdie les empêche d'avoir des descendants féconds avec des représentants normaux de leur espèce. Chez les plantes, comme elles se fécondent souvent elles-mêmes au moins dans une certaine mesure, un seul individu peut donner naissance à une espèce polyploïde. Ce mode de spéciation produit des résultats presque instantanés, puisqu'ils surviennent en une seule génération, et il est plus courant chez les plantes que chez les animaux.

L'immigration
Zebra mussels. Photo: S. van Mechelen, University of AmsterdamEn introduisant dans une aire des individus nouveaux, voire des espèces nouvelles, l'immigration accroît sa diversité. Le taux d'immigration dépend de la taille de la région, du nombre des espèces qui s'y trouvent déjà et de la distance entre cette région de destination et la région source. Même si une espèce ne peut pas survivre dans une aire donnée, un flot continu d'immigrants peut néanmoins y maintenir sa présence indéfiniment. La théorie de la biogéographie insulaire (voir ci-dessus) est le modèle le plus utilisé pour analyser ce phénomène de l'immigration.

Les espèces immigrantes n'exercent en général qu'une incidence mineure sur l'écosystème d'accueil. Dans certains cas, toutefois, leur impact est beaucoup plus marqué. Ainsi, la moule zébrée (la dreissena polymorphe), originaire de la mer Caspienne et du fleuve Oural, a été repérée dans les Grands Lacs en 1988. Elle y est probablement arrivée par les eaux de lest des navires. Depuis, elle s'est répandue dans tous les Grands Lacs et même plus loin, éliminant les populations de moules indigènes et obstruant les prises d'eau et autres tuyaux de toutes sortes.

Les successions écologiques
La succession est le processus par lequel de nouvelles espèces s'établissent dans une région donnée. Les communautés d'organismes se remplacent les unes les autres (se succèdent) jusqu'à ce qu'un équilibre soit atteint. Ce point d'équilibre correspond à l'arrivée à maturité (ou climax) de la communauté, qui est dite alors « communauté climacique ». (Dans le sud du Canada, il s'agit souvent d'une forêt.) Le processus de succession peut commencer sur de la roche à nu, dans un champ abandonné, sur les restes calcinés d'une forêt ou à toute étape antérieure au point d'équilibre. Un sol nu, en fait, ne le reste jamais longtemps. Très vite, des plantes annuelles y poussent. En quelques années, des plantes et buissons vivaces les remplacent, puis des pins. À terme, les feuillus colonisent la région, remplacent les pins et constituent la communauté climacique.

La communauté climacique varie considérablement d'une région à l'autre. Ainsi, la toundra du Nord, les herbages des Prairies et les forêts pluviales de la côte ouest diffèrent nettement les uns des autres, alors même qu'ils constituent tous le point d'équilibre final des successions de leurs aires respectives. Les étapes d'une succession se définissent en général en fonction des plantes, car celles-ci précèdent les animaux et elles établissent la structure et l'environnement dans lequel ils vivront. À cette règle, toutefois, les communautés aquatiques font exception. Dans ce cas, en effet, ce sont les éponges, les coraux, les bivalves et autres organismes animaux qui établissent l'essentiel de la structure tridimensionnelle de la communauté. Du point de vue de la diversité d'ensemble, les étapes de la succession sont généralement de plus en plus complexes, la diversité culminant avec la communauté climacique. Au niveau des groupes, par contre, ce schème d'évolution ne tient plus forcément. Ainsi, la diversité végétale diminue dans les phases ultimes mais la diversité animale s'enrichit. Les espèces qui étaient bien répandues au début de la succession se raréfient vers la fin mais elles peuvent subsister si de légères perturbations ramènent la région à une étape antérieure de la succession (voir à ce sujet la section sur l'abondance et la composition, plus bas).

 

L'appauvrissement de la diversité

L'extinction
The dodo, extinct in 1681L'extinction constitue un résultat bien plus qu'un processus. Quand une espèce disparaît, toute la diversité qu'elle représentait s'éteint avec elle d'une manière définitive. La majeure partie des espèces qui ont peuplé la planète au fil du temps ont aujourd'hui disparu du fait de processus naturels, soit des extinctions massives, soit, le plus souvent, des extinctions spécifiques. Les gènes aussi peuvent disparaître s'ils ne sont pas transmis à la génération suivante, mais leur extinction n'entraîne pas nécessairement celle de l'espèce. Des perturbations graves peuvent détruire des écosystèmes entiers, mais ceux-ci ne disparaissent pas vraiment, sauf si les espèces qui les composent disparaissent.

Les espèces peuvent s'éteindre localement. (On dit alors qu'elles sont déracinées.) Dans ce cas, l'affaiblissement de la diversité au niveau de la région est le même que si l'espèce s'était entièrement éteinte. À un niveau plus global, toutefois, l'espèce survit et peut, le cas échéant, immigrer et réinvestir la région désertée. Le même phénomène se produit par rapport à la diversité génétique, quand certains des allèles d'une population disparaissent.

La compétition
Une espèce qui livre une concurrence très féroce aux autres peut causer leur extinction locale (déracinement), voire complète, et entraîner par conséquent un appauvrissement de la diversité. Considérée sous l'angle de l'équitabilité (l'égalité de la répartition des individus entre les espèces), la diversité diminue aussi lorsqu'un prédateur ou un concurrent réduit d'une manière importante la population d'une ou plusieurs autres espèces, même s'il ne les déracine pas complètement. Les espèces qui ont été éliminées n'étant plus présentes, par définition, il est rare d'observer le phénomène. C'est toutefois possible dans le cas des espèces qui colonisent une aire depuis peu ou dans les régions dont les conditions ont changé récemment.

Les perturbations
Les perturbations limitées peuvent n'exercer qu'un impact mineur ou nul sur la diversité (voir plus bas la rubrique « Abondance et composition »). Les perturbations extrêmes, par contre, l'appauvrissent presque toujours. Quant aux perturbations constantes à grande échelle, elles éliminent en général un nombre élevé de populations et maintiennent la région à l'un des stades primaires de la succession, lesquels se caractérisent par un faible degré de diversité (voir plus haut). En l'absence de perturbations, l'aire se développe jusqu'à se stabiliser au stade final d'équilibre de la succession. À cette étape, les espèces qui sont normalement présentes aux phases intermédiaires (ou dans une région des alentours qui aurait été perturbée) ont disparu.

Les goulets d'étranglement
La mort d'un nombre élevé de représentants d'une population produit ce que l'on appelle un goulet (ou goulot) d'étranglement génétique. En d'autres termes, ces individus emportent en disparaissant une grande partie de la diversité génétique initiale de la population (A), ne laissant derrière eux que quelques spécimens dépositaires d'une diversité bien inférieure (B). L'effectif de la population peut revenir assez vite à son niveau antérieur (C). La diversité génétique, elle, met beaucoup plus de temps à se rétablir. Ce délai peut poser problème si les conditions de vie de la population considérée changent, car elle ne disposera plus de la diversité dont elle aurait besoin pour affronter ces modifications de son environnement.

 

 

Les niveaux de la biodiversité Abondance et composition